Livrée en 2000, la compilation "A Jeep Jack Affair" se voulait la carte de visite d'une jeune structure à peine éclose portant le nom de Record Company Records. Un label administré par l'obscur Jeep Jack, beatmaker iconoclaste, fan de hip hop oldschool et de R'n'B, originaire de la périphérie de Boston.
Premier tome d'une série toujours en cours, ce "A Jeep Jack Affair", sous titré "Personal Stereo Mix Volume One" et initialement destiné à être vendu à la sortie de concerts, se présente sous la forme d'un album de producteur, échafaudé par un seul homme (si l'on excepte la présence de deux guest producers) et introduisant une ribambelle d'artistes qui jusqu'alors se confinaient dans les caves enfumées du Roxbury. Ainsi, les plages de ce LP sont occupées par des prestations à mettre au crédit de Microft Holmes, The Yukonn ("half man, half hip hop !"), Silk Vision, Elation et autre Unity Rashiek.
S'il n'y avait qu'une seule chose à retenir de ce "A Jeep Jack Affair", ce serait sans nul doute le formidable 'Springfever', ode au printemps à la composition appliquée et à l'ornement soigné, fredonnée par le talentueux Elation (dont on attend toujours, non sans impatience, le premier effort solo…). Mais Elation n'est pas la seule fine gâchette conviée par l'architecte Jeep sur son premier véritable projet discographique, le MC Microft Holmes est aussi de la partie. Et plutôt sept fois qu'une. Armé de son flow incisif, discernable entre cent (entre Tes et Aesop Rock, pour situer), le rappeur Bostonien (fer de lance du label RCR), s'amuse à torturer les beats mis à sa disposition avec une aisance considérable et un charisme démesuré.
Notons sa prestation, tous double-times dehors, sur l'excellent 'To See What Occurs' savamment construit autour d'une beat électronisant et d'un synthé discret. Si cela ne suffisait pas, son couplet frénétique sur le court et intense 'A Genevan Import' sombrement produit par Tenjin du crew helvète Liquid Dimensions (dont est également extrait le producteur Cris Cardiak, auteur du recommandable "A Rap Record") devrait finir de vous convaincre. Et dans le cas où vous seriez de ces auditeurs à l'exigence sans bornes, le hit single 'The Run' achèvera certainement votre conversion.
Autre invité remarqué, le mystérieux Shakim (dont on apprendra plus tard qu'il est un des emcees gouffriques à avoir profité des sessions "studio ouvert" organisées par Jeep Jack) qui brille sur 'As Crazy As I Want To Be', track aux relents old school et à l'atmosphère lo-fi, soutenu par une rythmique corpulente.
Mais la star de cette première compilation officielle du label Record Company Records est bel est bien le maître de cérémonie lui-même. Proposant une palette de sons aussi large qu'efficace, oscillant entre un hip hop faussement old school ('Millenium Wars Prelude'), des compositions aux accents jazzy ou R'n'B et un rap audacieux à vocation électronique, Jeep Jack fournit un album dense, varié mais cohérent, ponctué d'une dizaine d'interludes idiotes qui ne sont pas sans rappeler le travail de J-Zone.
"A Jeep Jack Affair" nous présente les effectifs d'un label qu'il serait bon, désormais, de suivre de très près. D'autant plus que d'ici à la rentrée prochaine, les projets devraient s'enchaîner du côté du Roxbury.
Kreme Juillet 2004