Nephlim Modulation Systems
Woe To Thee O Land Whose King Is A Child

Quelques semaines après que les plus fidèles aficionados aient déniché l'excellent "Black Mamba Serums", Big Justoleum contre-attaque avec un projet des plus énigmatiques. S'associant pour le coup à Orko Elohiem ("The Sycotik Alien"), membre des Global Phlowtations (Sach, Adlib, Zagu Brown,...), vétéran de l'underground californien et auteur d'une dizaine d'albums lo-fi sortis dans la confidentialité (le dernier en date, "Atoms Of Eden" est cette fois édité par Plague Language), Lune Tns nous livre sa nouvelle suggestion via Big Dada. Réunis sous le sobriquet de NMS, les deux bonhommes se sont concertés et confinés pour fournir une œuvre atypique en 2 volets - la deuxième sentence étant prévue pour l'automne. Le premier épisode de ces "Nephlim Modulation Sessions" étrangement titré "Woe To Thee O Land Whose King Is A Child" (comprenez "Maudit soit le pays dont le roi est un enfant"), emprunte son intitulé à la Bible et se veut un ouvrage pamphlétaire, ouvertement dirigé contre l'administration Bush.

La place centrale de Big Jus au sein de la formation Company Flow, la qualité des ses premiers faits d'armes en solo ainsi que les très bonnes impressions laissées par les disques de son comparse du moment ("Elohim Soundwave", "Dreadlocks, Incense And Oils"…) étaient autant d'éléments expliquant et justifiant notre impatience. Premier constat à l'écoute du produit : l'ambiance est sensiblement différente que celle des dernières prestations de Big Jus ; froides, sombres, pesantes, apocalyptiques, voire effrayantes ('Sleepy Hollow Modulation Systems') les productions dénotent du travail antérieur de Lune Tns et donnent, par la même, tout son sens à la collaboration. Samples grinçants ('Forward Transmission... Walk On Water'), claviers cléricaux ('Invisible Oblivion'), le travail de composition est remarquable, l'atmosphère y est accablante, oppressante.

Les emcees s'en sortent avec les honneurs. Orko, bluffant de technique ('Brave New World'), déverse des lyrics érudites avec un flow pédagogique car spectaculaire et révèle des potentialités qu'il serait bon - désormais - de suivre de près. Mais Big Jus est d'un autre monde, le new-yorkais n'est pas de ces emcees à la technique exemplaire, soit. Sa force est ailleurs : un timbre unique, un phonème sanglotant caractéristique, une propension à se détacher du beat pour mieux y coller, un charisme inégalé… La puissance lyricale est ici un élément central. Les écrits de nos deux protagonistes sont polémistes, critiques, dénonciateurs, parfois railleurs ('Super Pretzel' se référant à la fameuse anecdote du Bretzel présidentiel) et toujours superbement rédigés par deux plumes plus acerbes que jamais.

Au tracklisting, dix morceaux dont une introduction et un instrumental ('Bullets R Ejected'), judicieuse composition mouvementée reflétant le dualisme du disque dans son ensemble. Le fantastique piano de 'Super Pretzel', les percussions capiteuses de 'Fendi Shoe Bomber', l'intensité de 'Forward Transmission' (version remaniée d'un morceau de "Elohim Soundwave", LP solo d'Orko) ou la virulence de l'hymne 'Brave New World' font de "Woe To Thee O Land Whose King Is A Child" un disque remarquable en plus d'un point, rarement on a atteint une telle adéquation fond/forme et une telle complémentarité entre deux artistes si antinomiques. Ajoutez à cela des samples improbables et audacieux (un discours du président américain, de violentes détonations, du chant lyrique…), des breaks déstabilisateurs et de complexes mouvements déstructurés et vous subirez les effets d'un savant et insidieux poison injecté en intraveineuse.

Gageons que le second chapitre ("Imperial Letters Of Protection") annoncé pour le prochain solstice, sera du même acabit que ce premier volet et nous permettra de classer l'expérience "Nephlim Modulation" au même niveau que les œuvres phares de la nébuleuse Company Flow ("Funcrusher Plus", "Little Johnny From The Hospital" ou "The Cold Vein") qui, bien que disparue, afflige encore des sentences régulières et toujours plus agressives.

"Woe to thee, O land, when thy king is a child, and thy princes eat in the morning!"

Kreme
Mai 2003

N.B. : Sont présentes 7 versions instrumentales en fin de disque.
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Label: Big Dada
Production: Bigg Jus
Année: Mai 2003

01. Please Disperse Immediately
02. Invisible Oblivion
03. Super Pretzel (Diplo Damage)
04. Brave New World
05. Sleepy Hollow Modulation Systems
06. Ha Ha Ha Ha (x4)
07. Fendi Shoe Bomber
08. Forward Transmission... Walk On Water
09. Bullets R Ejected
10. Super Pretzel (Big Top Circus Freak Mix)

Best Cuts: 'Invisible Oblivion', 'Super Pretzel', 'Fendi Shoe Bomber'

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