Avec le single 'I Luv U' et la bombe "Boy In Da Corner", Dylan Mills a défoncé des portes. Ce transfuge du Roll Deep Entourage, à peine sorti de l'adolescence, avait surpris son monde avec ses lyrics d'écorché vif, ses beats hallucinés et sa désinvolture de petite frappe d'East London. Au point même de rafler le prestigieux Mercury Prize. 1 an après, Dizzee récidive, bien décidé à retrouver son trône de roi du grime, laissé à son ex-acolyte Wiley pendant quelques mois.

"Showtime" achève la toile commencée par "Boy In Da Corner". Bien plus qu'une "suite logique" comme certains semi-nerds le supputent, ce nouvel opus brûle les oreilles. Moins brut et glacial que son prédécesseur, "Showtime" est bourré de breakbeats digitaux, de rythmiques furieuses et de petits trucs 8-bit jetés contre le mur. "Showtime" est plus éclectique aussi. A l'écoute de 'Dream', petite comptine du ghetto londonien, du faussement tribal 'Everywhere', et du fabuleux 'Stand Up Tall' - ni plus ni moins que le hit de l'année – Dizzee semble maîtriser davantage ses outils. Il en résulte un album plus riche et aux compositions plus luxuriantes. Les énormes basslines qui ornaient "Boy In Da Corner" ne sont plus légion, qu'importe. La musique de Dizzee distille toujours autant d'énergie et de violence. Et nombreux sont les signes de la maturité artistique du bonhomme. Toujours ces paroles de hooligan, ces contes urbains qui n'ont rien de fictif, cette haine condensée, cette arrogance chronique. Et ce flow d'enragé, peut être encore plus incisif sur ces 15 nouvelles plages que sur le premier brûlot habillé de jaune. Des double-times en rafales ('Hype Talk'), des ruptures de rythme, des prises d'assaut verbales. Plein la gueule.

Il n'y aura guère que le léger 'Get By' et le choix des invités (dont les prestations sont largement dispensables) qui vous feront regretter "Boy In Da Corner". Pour le reste, l'évolution est palpable à chaque instant. Les breakbeats secs et les lignes de basses ne se sentent désormais plus seuls. Ils sont ici agrémentés de sonorités 8-bit, de réverbérations, de breaks ingénieux et de boucles synthétiques qui donnent sa densité à l'album.

Avec "Showtime", Dizzee Rascal s'est affranchi définitivement de l'étiquette UK Garage qui lui collait au survet'. Mais il n'en reste pas moins l'ambassadeur d'un son nouveau, venu des quartiers glauques de la capitale anglaise et un artiste désinhibé, déjà mature et visionnaire. Sa musique est celle de l'avenir.

Kreme
Août 2004