"I'm sitting in my rocking chair." Mystique. Dead Air, duo formé par M.Fusion & Die Young, signe là son deuxième exercice longue durée. Au programme: tout a changé depuis le tout premier "Dead Air Project"; un obscur CD-R sorti en 2003 qui réunissait le compagnon de Deeskee sur le très bon "Ravish" et l'auteur de "Expo'70". En l'espace de trois ans, M.Fusion a su évoluer afin de créer une nouvelle ambiance pour ce "Possession". Proposer un univers personnel tout à fait particulier; un univers monté de toutes pièces reflétant à la perfection l'univers commun de ses deux géniteurs.

La porte s'ouvre. Les premiers pas derrière nous. On se retrouve alors rapidement plongé dans un monde particulier peuplé de vieux films d'épouvante, agrémenté de longues et sombres nappes de cordes et autres choeurs angoissants ('This House'); à mi-chemin entre une New Wave poussiéreuse extirpée de quelques ruines ('My Angel') et des rythmes endiablés teintés de saturations à n'en plus finir ('Fone Fuk'). Une saveur étrange mêlant les genres et les époques pour créer un monde anachronique ; coincé quelque part entre un passé peuplé de synthétiseurs et un présent proche, froid et violent.

Au milieu de ce maelström, Die Young. Esprit torturé criant sa souffrance en symbiose avec un environnement taillé sur-mesure. A travers lui, ce sont les différents étapes d'une histoire d'amour douloureuse qui nous sont comptées. Le fil conducteur de cet amour tour à tour aveugle ('On Fire'), problématique ('Unsolved Love'), une intense relation sexuelle par téléphone ('Fone Fuk') puis un amour déçu menant à une haine profonde ('Plan 99')… Tout ceci convient aux sons de Fusion.

Seulement voilà: à vouloir trop en faire, le résultat s'en trouve altéré. Ainsi, quand il finit par s'enfermer dans la monotonie d'un rap à bout de souffle et bien trop saccadé ('Unsolved Love'), quand ne reste plus que l'impression d'une voix bien trop forcée ('My Girl'), quand ses obsessions deviennent des gimmicks, Die Young tend à s'égarer. Tout rentre comme il faut dans le personnage qu'il s'est construit au fil de ses albums. Pourtant, l'ensemble semble manquer de sincérité, d'une réelle envie d'aller voir un peu plus loin. C'est lorsqu'il semble assumer son rôle de MC de la meilleure des manières, lorsqu'il se met à rapper avec un semblant d'entrain, que ses prestations dépassent le cadre du tant ressassé. Ainsi, sur 'Blast' ou le décapant 'On Fire', Die nous fait montre de toute sa verve rapologique, entraînant et percutant.

Au final, les deux hommes ne se rejoignent que trop peu sur cet opus. La faute, sûrement, à un Die Young lorgnant un peu trop du côté d'un rap à formule et sans grande efficacité. M.Fusion, quant à lui, se "contente" de réaliser un travail appréciable de bout en bout; livrant aux visiteurs de ce monde angoissant quelques-unes des meilleures productions de sa carrière. Variées et décalées, elles propulsent ce petit opus d'une quarantaine de minutes vers un résultat inattendu. Contrat rempli pour lui… Pourtant, on ne peut s'empêcher de garder à la bouche ce goût amer; cette impression que le duo est passé de peu (par la faute de Die) à côté d'un grand album, de ce genre d'ovni inattendu qui finit par ne plus décoller de notre cerveau, tant il a su nous prendre par surprise. Mais ne boudons pas notre plaisir, le résultat est là: celui d'un album qui sait se faire apprécier au fur et à mesure des écoutes. Original, sombre, envoûtant,.... Les adjectifs ne manquent pas. Comme Die Young, enchaîné à cet amour, nous voilà sous l'emprise de Dead Air pour un voyage dans les méandres de deux âmes possédées.

Newton
Novembre 2006