Toujours à la recherche de nouveaux horizons musicaux, expérimentant sans cesse pour trouver un jour l'essence du hip-hop du futur, Rza s'impose malgré les détracteurs comme l'un des producteurs majeurs de l'histoire du rap. Celui qui au sommet de sa gloire aura osé expérimenter, au risque de déplaire, au lieu de servir à ses fans la même sauce jusqu'à l'overdose. Celui dont le Clan aura changé la face du rap et de son industrie tout en mettant Staten Island sur la carte. Celui qui aura vraiment fait découvrir au public une nouvelle scène (Killarmy, Sunz of Man, Royal Fam, Shyheim...). Celui qui aura osé tenter le mélange analogique-digitale, les dissonances, les compositions, les musiques de film... Après "Ghost Dog" et "The W", il revient avec la suite des aventures de Bobby Digital, qui représente une métaphore de sa jeunesse débridée et des étapes qu'il a traversé avant d'aboutir au niveau d'éducation qui est le sien aujourd'hui. Entouré comme de coutume par ses Wu-Tang Killa Bees, Tekitha, Junior Reid et les hommes du Clan (ici Masta Killa, Method Man, U-God et O.D.B.) mais aussi par Big Gipp de Goodie Mob, Bobby garde encore des propos assez superficiels et basiques (egotrip, femmes...).
Néanmoins, on entrevoit déjà fortement sur la fin du Lp (de 'Be A Man' à 'Sickness') les visions éclairés du Rza entendu chez le Wu et les Gravediggaz et qui devraient remplir le prochain et très attendu "The Cure". Bref, Prince Rakeem à conçu son "Digital Bullet" comme une porte ouverte vers ses projets futurs et son état d'esprit actuel. Entremêlant samples et notes de synthés aléatoires sur des beats évolutifs, poussant un peu plus loin ses bricolages antérieurs, il crée ici des fresques inédites et entêtantes, à la frontière entre l'époque d'"Enter The Wu-Tang" et d'horizons encore inexplorés, qui restent gravés longtemps dans la mémoire. Seuls 2 producteurs sont conviés à fournir un son de leur cru au milieu des perles du Rzarector. Tony Touch lâche un son original et minimaliste sur 'Domestic Violence Pt.2', tranchant avec la patte du maître de maison. On ne peut pas en dire de même pour le décevant 'La Rhumba' de True Master qui saute sur le wagon latino et reste l'unique déconvenue de "Digital Bullet" avec 'Shady'. Car, tout compte fait, cette nouvelle aventure de Bobby s'impose comme l'une des meilleures sorties de cette rentrée 2001 et comme une pierre de plus au panthéon rapologique qu'est en train de se construire Rza, une chambre de plus dans la Wu Mansion.
Cobalt Septembre 2001