L'un parle d'un quotidien pas toujours facile mais il le fait avec une voix rigolarde, dans des atmosphères musicales détendues ; une fleur coincée à la commissure des lèvres. C'est Josh Martinez. L'autre devise sur thèmes d'importance première accompagné d'un grain musical rauque, avec le naturel d'un marin marchand finissant son salaire en louchant sur le décolleté vulgaire de la serveuse du rade. C'est Awol One, ou Tony Martin pour les intimes. Tony et Josh sont amis, ils sont sympas. Mais pas seulement. Un jour, ils se sont dit:
"faisons un mini-double album avec nos deux univers dedans, ce sera comme une ville où on se croiserait tous les jours, on pourra se marrer ensemble au Canada et les gens en auront pour l'argent d'un album normal". Et voilà le "Splitsville Double EP", arbitré en mesure par le metteur en mouvement DJ Moves.
Chacun sa partie donc. Et pourtant, l'exercice n'est pas du tout scolaire. D'abord, parce que les visites sont autorisées dans la partie adverse – notamment pour le titre éponyme, au chaloupement très bien senti. Et puis aussi en raison de plusieurs bonnes idées, dont la première n'est pas des moindres : faire commencer les deux artistes sur le même thème, revisité à la sauce du guide et donnant le "la" de la visite. Ensuite parce que, au lieu de se retenir cent sept ans pour envisager l'écrin idéal d'une Megalopolis du rap indépendant, les deux comparses poursuivent une intention naturelle et spontanée, sans forcer leur talent. Et si les morceaux ne sont certes pas tous des pépites, la balade est bien agréable et peut servir d'excellente introduction à l'univers de deux larrons au style bien marqué.
Et même en l'absence d'une vraie révolution, reconnaissons-le, ceux qui suivent plus attentivement le parcours d'Awol et du gars Martinez seront sensibles au fait que chacun en va de son petit hit. Ce sera 'Past Dues' pour un Josh très en verve, au diapason d'une guitare des îles. Quant au gros Tony, il se prend à créer un petit western à sa mesure dans 'Shake Yer Eywind', en répétant que les chansons sur le sexe vendent à tous les coups.
Pour finir, comment ne pas remarquer ce signe empreint de joie de vivre lucide de la part de nos deux drilles, au terme d'une plongée dans une cité imaginaire baignée de bonnes ondes mélomanes : ce
"Six millions ways to live, chose one" qui répond au
"Six millions ways to die, chose one" de Existereo et Barfly dans Candy's 22.
Dont acte.
Billyjack Mai 2007