Déjà auteurs de quelques projets peu marquants sous des pseudonymes divers (Double Helixx, SA-2...), les White Collar Criminals ont été encensés par toute une frange de la critique rap. Celle qui considère Dose One de Them comme le meilleur emcee vivant. Dès lors, étant quelque peu hermétique aux collages de mots souvent dénués de sens de ce même Dose, il est assez compréhensible que j'ai du mal à trouver "Invest-Mentality" révolutionnaire.
Car cet album est de ceux qui s'écoutent avec les textes du livret dans la main. De ceux dont on analyse les textes plus qu'on ne prend du plaisir à les écouter. Car les emcees semblent s'être donnés pour mission de bourrer le plus de mots complexes dans leurs morceaux, histoire d'impressionner la galerie par leur connaissance et de cacher le fait qu'ils ont des voix loin d'être remarquables. D'accord, Sankofa (Michael Milken) et Jon?Doe (Barry Mankow) ont de sacrés talents d'écriture. Ainsi, 'Mirages' est similaire à la confession d'un vétéran hanté par ses souvenirs de guerre et marque profondément l'esprit de l'auditeur. Mais, à l'inverse d'un Illogic ou d'un Aesop Rock, ils oublient un peu qu'ils sont censés délivrer leurs textes avec style et non pas, comme ici, les réciter d'un ton monocorde sur un beat.
La perspective de rappers se glissant dans la peau de "jeunes cadres commerciaux dynamiques" était pourtant enthousiasmante. Des thèmes jusqu'ici inabordés pouvaient être évoqués et donner lieu à un album-concept mémorable, qu'il soit humoristique ou grave. En lieu et place, les roles ne sont pas vraiment tenus et les 2 MCs livrent des textes complexes et durs à déchiffrer qui trop souvent ne dévoilent pas leur sens (même après des écoutes répétées).
De plus, la production des Suspended Animators manque de relief dans l'ensemble. Elle est en majorité acoustique (guitare, basse, percussions) et se laisse bien écouter mais elle pêche par trop d'uniformité et de "propreté". On regrette que Charles Keating Jr et Jim Baker soient restés enfermés dans des structures trop rigides et "rock indé" (!) une fois associés à des rappers. Néanmoins, les interludes musicaux ('Show Me The Intro', 'Worse Than Death', 'Time Is Money') sont pour moi les perles du Lp et prouvent qu'ils sont sacrément talentueux.
Pas besoin de s'étendre plus longtemps, "Invest-Mentality" plaira sûrement à tous ceux qui mettent le collectif Anticon sur un piédestal mais, en ce qui me concerne, ce n'est pas vraiment ma tasse de thé. Les WCC ont de grandes capacités mais elles ne me semblent pas complétement exploités sur ce premier Lp. Un bon Atmosphere semble moins prétentieux, plus accessible, plus hip-hop et fera mieux l'affaire...
Cobalt Février 2002