Qui a dit que les bonnes choses se bonifiaient avec l'âge? Dans le rap, c'est en tout cas souvent le contraire. A l'image de multiples tentatives de come-backs teintées d'espoir mais régulièrement remplies d'échec, les old-timers ont bien du mal à survivre (cf: "Sale temps pour les anciens"). En sera-t-il de même pour le célèbre trio New-Yorkais des Beastie Boys? Après six longues années d'absence, les Beastie Boys reviennent en tout cas avec un album attendu de pied ferme par leurs nombreux fans. Pendant ce temps, seule la sortie d'un nouveau titre était parvenue à nos oreilles. Il s'agissait de l'excellent 'Alive' présent sur la compilation "The Sounds of Science".
Aujourd'hui, les Beastie Boys ont clairement décidé de faire cavaliers seuls. Ils se défont de toutes collaborations, hormis celle du DJ MixMaster Mike (aujourd'hui considéré à juste titre comme le quatrième membre du groupe). Comme nous l'annonce le titre de l'album "To The 5 Boroughs", les trois punks ont décidé de traiter sur ce nouvel opus d'un sujet si cher à leur cœur: la ville de New-York. Le micro entre les dents, entre deux concerts pour la libération du Tibet, les Beastie Boys se font ainsi les porte-paroles du monde moderne.
A côté d'un rap faisant l'apologie de la Big Apple sur 'An Open Letter To NYC', les trois blancs-becs de Brooklyn se lâchent aussi sur la politique qui sévit en ce début de second millénaire aux Etats-Unis ('It Takes Time To Build', 'That's It That's All') avec des paroles assez directes (
"By the time Bush is done what will be left/ Selling votes like E-pills at the discotheque/ Environmental destruction and the national debt/ But plenty of dollars left in the fat war chest/ What the real deal why you can't connect"). Les Beastie Boys sembleraient donc avoir perdu le sens festif de la rime pour entrer dans une nouvelle ère, celle du rap conscient... Le temps où ils proclamaient le droit de faire la fête ('Fight For Your Right To Party') semble aujourd'hui lointain.
Résultat d'une démarche plus personnelle, le groupe dit aussi adieu à ses expériences sonores, aux titres bouillonnants d'idées et aux autres originalités qui ont fait leur succès. Ils laissent également tomber guitares, batteries et autres contrebasses pour s'appuyer sur une recette désormais très (trop?) classique pour créer leur propre beat: la machine. Mélangeant rythmes vifs et samples grillés qui ont fait la gloire du rap New-Yorkais (empruntant à Public Enemy sur 'Rhyme The Rhyme Well', EPMD sur 'It Takes Time To Build' ou encore plus explicitement à 'Rapper's Delight' sur 'Triple Double'), ils espèrent toucher un public réticent aux stars du "rap-business" qui oublient les valeurs authentiques du hip-hop pour vanter son coté le plus matérialiste. Et un public fidèle à leur période de gloire.
Hélas, ce n'est malheureusement pas en bidouillant quelques titres mythiques avec des rythmes plus fat, le tout saupoudré de lyrics plus soft et conscients que l'on obtient un résultat à la hauteur des espérances. En 20 ans de carrière, les Beastie ont changé. Cet album devait être celui de la maturité. C'est le cas. Mais cette maturité leur va bien mal. En 2004, le groupe n'est plus dans le coup. "To The 5 Boroughs" est un album vide, qui sans la mention "Beastie Boys" sur le recto de la pochette serait passé, à juste raison, totalement inaperçu. Dommage.
MC23 Juin 2004