Etonnant de voir comme certains disques peuvent passer inaperçus. Et pourtant, dans le cas qui nous intéresse, on aurait pu espérer qu'au moins une poignée de nerds allait s'émerveiller à l'annonce d'un nouveau Mikah 9 (ou plutôt, Myka Nyne). Que nenni. Alors que l'auditorium westcoast undeground se réjouit à chaque freestyle de son fellow Aceyalone, le "Work In Progress" que Myka Nyne a sorti l'an passé n'a pas fait grand bruit. Et Pourtant.
Sur cette nouvelle galette, qui étrenne son label M9, l'ancien Freestyle Fellowship rappe bien, voire très bien, chante, invite Saafir ou Rbx et ajoute, l'air de rien, un énième album de qualité à une discographie étincelante (Innercity Griots, To Whom It May Concern, Timetable, It's All Love…). "A Work In Progress" est un album de rap californien, idéal pour les barbecues géants de Long Beach ; à mi-chemin entre le G-Funk, une Nu-Soul de qualité (ça existe) et de l'underground project blowdien.
De très bonne choses sur ce disque. Notamment ce 'Picasso' partagé avec la légende Saafir et le revenant RBX qui vous rappellera l'époque bénie ou vous ne juriez que par le G-Funk et qui vous fera regretter la quasi disparition du génial auteur de "Boxcar Sessions" (qui n'a pas le moral car il y a ni "ass" ni "titties").
A noter également l'excellent 'Can We Smoke' qu'on accorderait volontiers à DJ Quik, le très jungle 'D.N.B.N.M.' sur lequel Myka vide un chargeur entier en 1'30", le sombre et minimal 'This Ain't The Song', le bien nommé 'Pimp Gamble' (
"…keeping hoes on the track…"), l'oriental 'XJ9', le très bon 'Set U Free' habilement "vocodé", le vaudou et alambiqué 'Wartnbe' ou le très mélodieux 'Love Yourself' (avec Tajai des Souls Of Mischief).
Quelques ratés néanmoins. La soul chiante et plate de 'Hibiscus Flowers', 'Your Heart' sur lequel Mikah Nine s'improvise crooner electro-funk (presque) ou l'humanitaire 'Protect The Children' (
"… it takes a village to raise one, protect them from killing...").
Au bout du compte, A Work In Progress s'avère être un album copieux, agréable, frais et éclectique (vous l'aurez compris) qui, même s'il n'arrive pas à la cheville des classiques Freestyle Fellowship et de ses deux prédécesseurs, ne mérite en aucun cas l'indifférence dont il est victime. Sur ce troisième solo, Mikah Nine ne rappe sûrement pas assez, mais il rappe toujours bien et il affirme de nouveau sa créativité, son savoir-faire et son ouverture. A écouter, au moins. Et puis merde, quel artwork.
Kreme Février 2004