"The Blueprint", "Unplugged" et maintenant ce The Best Of Both Worlds : le moins que l'on puisse dire est que Jay-Z est prolifique. Inondant constamment le marché avec ses sons, Jay a jusqu'ici réussi à allier abondance et qualité. Un accomplissement bien rare en ces temps de disette artistique. Cherchant à réunir son public et celui du roi du R&B collant, il prend avec ce nouvel album le risque de se mettre à dos la base underground (qui l'a longtemps boudée avant de revenir à ses côtés après "The Blueprint").
Mais au lieu de parlementer dans le vide comme beaucoup sur les tenants et les aboutissants d'un tel projet, mieux vaut juger sur pièce et écouter le résultat de cette collaboration qui sent les dollars à plein nez. Au niveau des thèmes abordés, les 2 compères donnent du fuel à tous ceux qui les accusent d'être trop jiggy. En effet, le gros des titres est assez léger et quand Shawn et Robert ne parlent pas de sexe ou de pognon, c'est pour inviter leur auditoire à faire la fête. Les titres sont à ce titre suffisamment évocateurs pour que l'on ne s'étende pas plus: 'Shake Ya Body', 'Get This Money', 'Pussy'... On est loin des envolées lyriques et des velléités introspectives d'un 'Song Cry'. Cependant, les amateurs du "meilleur lyriciste actuel signé sur major"® trouveront ici 'It Ain't Personnal' et 'The Streets' pour satisfaire leurs appétits. Sur le premier, les deux amis lancent des piques envers tous les jaloux et on sent que Big Jaz est tout particulièrement visé. Sur le second, sommet incontestable de l'album, Jay met en perspective la difficulté de grandir dans le ghetto américain.
Voilà pour le fond. Qu'en est-il de la forme? R-Kelly a touché à la moitié des prods et leur apporte sa patte inimitable, livrant à mon sens les meilleurs moments du Lp. Son solo 'Naked' comblera tous les amateurs de ses ballades chargés en phéromones. Le reste de la conception sonore a en grande part été confié aux Trackmasters. Faisons une pause pour ceux qui auraient pris le train en route. Les "maîtres des pistes" Poke et Tone avaient fait un début de carrière très prometteur aux côtés de Chubb Rock avant de retourner leur veste et de servir quelques abominations commerciales à Will Smith et à tous ceux qui cherchaient un tube facile à la fin des nineties. Si ceci leur avait permis de se remplir les poches, cette attitude mercantile avait aussi précipité leur chute aux oubliettes. Pour leur grand retour dans la lumière, les Trackmasters ont décidé d'augmenter leurs standards et de travailler un peu plus leurs samples et leurs instrumentaux (bons points) mais on doit avouer que le résultat, oscillant entre le bon et le quelconque, n'est pas très galvanisant. Solide et plaisant mais pas excellent.
En conclusion, on peut dire que "The Best Of Both Worlds" est pour tous ceux qui ont vibré sur 'Fiesta'. Pour tous les adeptes de collabo et de remixes R&B teintés rap jiggy. Pour tous ceux qui veulent du son pour leur autoradio et pour leurs soirées entre potes... Ceux qui attendent une bombe rap feraient mieux de passer leur chemin et attendre "The Blueprint 2" annoncé pour Novembre.
Cobalt Avril 2002