Collectif canadien composé des groupes Creative Minds, Innocent Bystanders, Dirty Circus et de l'artiste solo Kyprios, Sweatshop Union n'est pas né de la dernière pluie. Nombre de ses membres sont trentenaires, ont déjà une discographie derrière eux et leur activisme hip-hop ne date pas d'hier. Mais lassés des galères, les 7 membres du crew ont décidé d'unir leurs forces pour faire un vrai impact sur la scène mondiale. D'abord sorti de manière indépendante, le premier Lp du collectif atteint aujourd'hui nos contrées grâce à Underworld (label jumeau de Battle Axe).
Pour faire les choses bien, Sweatshop Union a décidé de se présenter à travers un album dont le concept tourne autour du thème du travail (même si les digressions sont nombreuses). Ce qui frappe en premier lieu ici, c'est la qualité et la cohérence de l'univers musical. Offrant un son chaud et organique où les samples soul et les instruments s'amalgament et évoluent en toute liberté, Sweatshop Union dispose d'instrumentaux faits maison très travaillés. Selon toute vraisemblance, Mos Eisley, Metty the DertMerchant, Treefrog et le bien connu Rob The Viking se sont en effet concertés pour donner du volume et créer une réelle unité sonore malgré leurs styles respectifs. Le seul regret vient des morceaux de Kyprios (le plus connu du crew) qui sont souvent affublés de prods quelconques et peinent à tenir la comparaison avec le reste de l'album. Pour le reste, de l'ambiance acid jazz de 'Dirty Work' (avec sa débauche de cuivres : flûte, saxophone alto et sax ténor), aux violons cinématographiques de 'Breath' en passant par la boucle de Hammond entraînante de 'Union Dues' ou par le piano mélancolique de 'A Wrinkle In Time', les ambiances sont variées, riches et s'enchaînent à merveille. L'album s'ouvre et se ferme d'ailleurs sur 2 instrumentaux divins, symboliques de l'excellente qualité de la production trouvée sur "Sweatshop Union".
Dans un autre registre, on se félicitera que les 6 emcees possèdent des flows variés. De l'ultra-expressif Metty au phrasé posé de Treefrog, les rappers amènent une énergie rafraîchissante et chacun y trouvera de quoi satisfaire ses goûts personnels. Le collectif de Vancouver surprend (puis séduit) en utilisant à de nombreuses reprises des refrains chantonnés à l'unisson. Chacun des groupes possèdent une vraie identité tout en s'associant aisément aux autres participants. A ce titre, les morceaux du crew sont vraiment sublimes. Tout sonne très spontané mais les textes dénotent eux d'un vrai travail d'écriture et d'une variété des thèmes rare. Petite revue : 'Prose & Cons' évoque le débat intérieur qui taraude chaque artiste (connaître le succès et la gloire mais à quel prix ?). Le crew y répond en affirmant son intégrité sur 'Dirty Work'. Sur 'Don't Mind Us', les Innocent Bystanders apportent un peu d'humour en tournant en ridicule la faune flambeuse et dégénérée qui peuple les clubs branchés. Que ce soit lorsqu'ils abordent ces thèmes typiquement hip-hop ou lorsqu'ils collent à leur concept d'album "ouvrier", les groupes se montrent prolixes. Car les meilleurs textes sont bien à trouver du côté social de leur projet. On décorera dans cette catégorie le très bon 'The Humans' Race' qui déplore le renfermement sur soi et la propagande de la peur qui sclérosent nos sociétés soi-disant civilisées. Mais aussi les superbes 'President's Choice', 'Blue Collar Ballad' et 'Labor Pains' qui donnent à voir la vie de labeur des plus fauchés sans tomber dans le misérabilisme. Leur volonté de faire changer les choses est claire à l'image du militant 'Ascend'. En résumé, "Sweatshop Union" apporte sa pierre à l'édifice du changement et montre que l'on peut traiter du thème du travail sous un angle original et sans copier Aesop Rock.
A tous les niveaux, ce premier LP du collectif est du tout bon et la note tendrait fortement vers le 4.5 pour un peu... Le travail a porté ses fruits. Sweatshop Union affirme une identité bien marquée et traverse l'Atlantique en force. Un plaisir à partager.
Cobalt Décembre 2002