Injustement ignoré ou discriminé à sa sortie, le dernier Lp en date de Public Enemy, "There's A Poison Going On" n'en reste pas moins un très bon album. PE avait su prendre des risques en renouvelant son style de production et en expérimentant même si la seconde moitié de l'album manquait un peu de souffle. Une grande satisfaction après la débandade d'un "He Got Game" facile d'où le génie était totalement absent. Si aujourd'hui on parle plus de Chuck D pour ses participations à des séminaires et ses théories de complot que pour ses raps incendiaires, les fans de la première heure lui sont restés fidèles et savent qu'il est toujours aussi imposant au micro et qu'en vieillissant sa vision du monde a su se faire plus nuancée et plus juste doublant encore l'intérêt de ses textes. Mais dans des médias rap où la nouveauté et le style importent plus que la qualité et dans une société capitaliste où la majorité se fout de la politique, il n'est pas étonnant que PE soit absent. Pourtant, approchant de la quarantaine, le quatuor vieilli n'est nullement amoindri et reste essentiel. Et la source de leur inspiration n'est pas près de se tarir dans cette ère Bush propice à la politisation des débats.
Pour fêter dignement ses 15 ans d'activisme, PE se devait de sortir un album. Histoire d'innover, Flavor Flav et sa bande ont décidé de nous offrir un opus mêlant extraits de concerts live, remixes de classiques du groupe et bien sûr nouveautés (8 au total). Commençons par le moins bon : les remixes gagnants du concours internet mis en place par Public Enemy ont beau être (parfois) bien faits ('B-Side Wins Again'), ils n'atteignent jamais la perfection d'originaux entrés dans les annales ('Public Enemy No.1'). La Functionist version de 'Shut'Em Down' est même exécrable.
A l'inverse, les lives marquent des points. Public Enemy a toujours été une énorme machine de scène, un de ces groupes comme on n'en fait plus pour qui les concerts sont un passage obligé... et les passe-passes au micro entre Flav et Chuck confirment que le groupe en a encore dans le ventre. Ces titres ont aussi le mérite de faire découvrir aux plus jeunes l'héritage inégalé du plus grand groupe de rap. Et puis on ne peut pas ne pas évoquer la présence ici d'un récit audio qui éclairera les plus curieux sur le making-of de 'Burn Hollywood Burn'. La rage et le dynamisme qui transpirent des lives déteignent d'autant plus sur les inédits. Mistachuck invite même Paris, son homologue west coast, à répandre le message révolutionnaire. Ravivé par la politique anti-sociale des républicains US et par l'état de décomposition de la planète, Chuck a trouvé de quoi mettre de l'huile sur le feu et casse du sucre sur le dos d'un Bush ('Son of a Bush') comme à l'époque de 'Fight The Power'. Les générations changent mais pas les Etats-Unis... Et Public Enemy reste dévoué à la cause exhortant les b-boys à se prendre en main ('Get Your Shit Together') et à aller de l'avant.
Cet album est aussi celui du grand rassemblement des troupes. Ainsi, Terminator X retrouve une vraie place derrière les platines. Johnny "Juice" Rosado revient lui au bercail après une longue absence. Ses productions sont tout simplement splendides de minimalisme. Que ce soient les bongos de 'Gotta Give The Peeps What They Need' ou les collages sonores de 'Get Your Shit Together', il trouve à chaque reprise le petit plus qui fait la différence. Gary G-Wiz est aussi de retour avec son funk dissonant tandis que Professor Griff délaisse (heureusement) le micro la plupart du temps pour se concentrer sur la conception d'instrus. On l'encourage vivement dans cette direction ('Revolverlution').
En somme, les nouveaux morceaux de "Revolverlution" montrent un Public Enemy dans une forme olympique, lançant à tout va des piques anti-establishment sur des instrus de premier choix. Une vision extatique pour tous les nostalgiques du golden age. Si le format de l'album peut être remis en cause (les remixes auraient très bien pu rester sur internet) et que l'on aurait aimer n'avoir que du neuf, ce huitième opus des éternels rebelles fait honneur à ses auteurs et démontre qu'en prenant la voie de l'indépendance PE a trouvé une nouvelle jeunesse.
Cobalt Septembre 2002