Avec leurs thématiques majoritairement politiques et leurs remixes de Nappa (Phi-Life Cypher) ou Unsung Heroes, autant dire que les trois premiers maxis des écossais de Belles In Monica auront fait jaser outre-Manche. C'est donc avec intérêt que l'on se tourne vers le premier opus de cette formation originale où le emcee-producteur-leader Kruze est entouré du guitariste Red et du DJ Dema.

Dès la lecture du livret (qui se lit comme un pamhlet), on comprend l'engagement profond de Kruze et son dégoût des dérives liberticides et inégalitaires du système capitaliste globalisé. Cette façon de penser imprègne évidemment nombre de ses textes. Que ce soit lorsqu'il décortique les rouages pervers de l'industrie du disque ('Process: Make Money'), lorsqu'il met en cause les politiciens anglais ('Y'All Under Surveillance') ou lorsqu'il évoque les canons de la beauté ('Do Nothin' Good'), il prend toujours soin d'écorcher le système en place et de mettre en avant ses déviances. Néanmoins, il serait erroné de réduire Belles In Monica à des anticapitalistes mono-maniaques. En effet, la folie obsède autant Kruze que la politique. Utilisant à maintes reprises un flow parlé très rapide pour mieux refléter son côté psychopathe, il nous plonge ainsi dans l'esprit de fous en "chute libre" ('Meltdown', 'What D'Ya Need'). Les femmes ou le hip-hop font aussi partie de ses préoccupations évidentes. On notera à ce titre le très réussi 'Chanteuse Extrodinaire' où, à travers le récit des galères d'une jeune chanteuse, Kruze rend un hommage vibrant au pouvoir des femmes de volonté. Abordant ces thèmes plus terre-à-terre, Kruze adopte un flow plus direct et classique. Il ne cesse alors de changer de flow d'un track à l'autre s'adaptant aux atmosphères tour à tour angoissantes (le plus souvent) ou relaxantes (parfois).

Mais, malgré ses efforts et ses écrits remarquables, il manque du charisme nécessaire pour tenir l'album à lui seul. Son flow devient parfois inintelligible lorsqu'il s'emporte et un ou deux invités auraient été les bienvenus pour varier un peu les plaisirs.

D'autre part, l'album est fortement handicapé par la pauvreté affligeante de certaines des compositions de Kruze. Privé des remixeurs cités plus haut, il peine à tenir la distance sur une heure. Son affection pour les beats minimalistes et les violons synthétiques est en effet à double tranchant. Soit dans les moments les plus sombres il colle parfaitement à l'ambiance et tout passe de belle manière, soit ses notes donnent un côté west coast un peu cheap qui dessert clairement les textes ('Take Control', 'It's Like That'). Les ratés sont nombreux mais les réussites aussi. Ainsi, lorsque Kruze trouve la bonne boucle ou use à bon escient des scratches précis de DJ Dema, des riffs discrets de Red, de la voix de la chanteuse Cherelle ou bien encore d'une trompette ('Chanteuse Extrodinaire'), il donne à ses productions beaucoup de relief et une profondeur sonore plaisante. Le jazzy 'Do Nothin' Good', qui fait un peu décoller les bpm, est sûrement le meilleur exemple et un des authentiques triomphes de ce premier opus. Dans un registre plus glauque, 'What D'Ya Need' avec son piano désaccordé, son violon inquiétant et son changement de rythme en cours de route est aussi un succès.

N'empêche qu'au bilan la sortie de "Resistance is Futile" sonne un peu prématurée. L'album a ses moments mais il est trop hétérogène et montre que Belles In Monica auraient dû faire mâturer leur formule quelques mois de plus pour nous livrer un album plus cohérent et sélectif. La volonté est là, le talent aussi mais le contrôle qualitatif se doit d'être beaucoup plus strict si le groupe de Glasgow veut un jour percer à grande échelle. Donnons leur rendez-vous au prochain album pour un état des lieux plus approfondi.

Cobalt
Décembre 2002