Ceux qui savent aller plus loin que les frontières étriquées d'un univers rap qui porte trop souvent des oeillères connaissent bien Kokayi, Sub-Zero et Black Indian. Dès leur premier coup d'éclat au sein des Metrics sur "A Tale of 3 Cities, the EP" aux côtés de la formation de l'immense saxophoniste Steve Coleman, il était clair que le trio avait des capacités hors du commun. Capables de jouer à jeu égal avec les improvisations des meilleurs jazzmen, de manier le verbe à leur gré et de rebondir sur la rythmique sans aucune faute, les trois membres de la Freestyle Union font partie des rares rappers qui méritent vraiment le titre de MCs. Que ceux qui veulent s'en convaincre écoutent le live "The Way Of The Cypher" pour prendre une grosse claque... Leur premier album sous le blase d'Opus Akoben "Art Of War" leur aura permis de se faire un auditoire mais n'a malheureusement pas reçu l'écho qu'il méritait. Avec "Raw Life" et après plusieurs années passées à arpenter le sol français, le trio a aujourd'hui une nouvelle occasion de laisser son empreinte.
La grande force d'Opus Akoben c'est la complémentarité des styles de chacun de ses membres. Du flow intimiste de Sub-Z aux prouesses vocales de Kokayi en passant par l'attitude street de Black Indian, il y a de quoi satisfaire tout le monde. Cependant soyez prévenus : sur cet album le trio s'aventure plus loin dans la fusion et surprend en chantant sur nombre des morceaux.
Collaborant une fois de plus avec le bassiste Ezra Greer et sa formation, Opus Akoben parvient à créer un univers crédible à mi-chemin entre soul, jazz, blues et rap. De la bonne musique en toute liberté. Guitare, basse, percussions, flûte traversière et scratches accordés à l'unisson fusionnent pour créer un support très musical aux rimes des MCs. Parfois l'abondance de refrains chantés irrite un peu cependant ('Sentimental Thing', 'Raw Life'). On aime tant entendre le trio rapper que leurs vocalises nous déstabilisent. De plus, la qualité de l'instrumentation se suffisait à elle-même sans avoir besoin d'en rajouter. Mais tel est le parti pris du groupe et au final le résultat est plein de bonnes vibes donc il n'y a pas de quoi se plaindre. Surtout qu'au niveau lyrical, le groupe est toujours aussi impressionnant. Qu'ils abordent l'amour ('Forgive Me'), leur philosophie de la vie ('Ronin') ou la pratique de l'art microphonique ('Hidden Dragon'), ils le font toujours avec finesse et caractére en mêlant leurs flows aux sonorités des instruments.
Partagé entre chant et rap, l'album est une petite révolution pour les ex-Metrics et dépasse tout simplement le cadre de la musique hip-hop pour s'aventurer sur des terrains où Terry Callier et Grant Green ont autant d'importance que KRS-One. "Raw Life" étonne mais surtout séduit. Tous les b-boys à l'esprit ouvert devraient au moins goûter une fois à la mixture d'Opus Akoben.
Cobalt Juin 2002