T-Love bien que méconnue dans nos contrées a une carrière déjà bien chargée dans le monde du hip hop et l'industrie du disque. En effet avant d'être artiste elle débuta une carrière de journaliste pour les magasines désormais bien connus The Source et Vibe, pour lesquels elle interviewera quelques-unes des têtes d'affiches hip hop de l'époque comme De La Soul, les Beastie Boys ou bien Snoop Doggy Dogg. Elle sortira par la suite un livre sur la scène hip hop de Los Angeles d'où elle est originaire mais surtout créa son propre label en 1998 : Pickininny Records sur lequel elle sortit le premier LP éponyme des Jurassic 5 et son propre EP intitulé "Return Of The B-Girl" avec les apparitions de Kool Keith et Chali 2na des J5, très bien accueillis par la critique de l'époque. Autant dire que T-Love connaît bien le monde du hip hop et possède une liste de contacts assez conséquente. Après s'être exilée quelques temps en Angleterre où elle rencontra une nouvelle source de fans dévoués à sa cause et Olli Teeba (la moitié des Hebaliser), elle décide de se remettre à la tâche pour un véritable premier album. Et pour ce premier long format, T-Love a sue s'entourer de producteurs de qualités grâce à quelques coups de fils. On compte donc parmi les producteurs The Herbaliser, Jay Dee, Beyond There, le Canadien Frankenstein et le chanteur soul Dwele : que du beau monde pour ce "Long Way Back".

L'intro passée, on se rend compte dès le premier morceau que T-Love a ajoutée une nouvelle corde à son arc depuis "Return Of The B-Girl", car désormais en plus d'être mc, elle chante à l'instar d'une Billie Holiday (grande source d'inspiration pour T-Love), sur la totalité de 'Swing Malindy' où elle est épaulée par un quintet de jazz mais aussi sur la plupart des refrains de l'album ou au début de certains morceaux ('Oh-So Suite', 'Seven'), ce qui donne un charme certain aux instrus jazzy et soul qui composent ce LP. La production, justement venons-en, car elle est de qualité comme on aurait pu le deviner ; rien à redire sur les prod de Frankenstein, de Beyond There et d'Ollie Teeba qui, accompagné de l'autre moitié des Herbaliser nous livrent une merveille : le titre fleuve 'Oh-So Suite' décomposé en trois parties. On rencontre également un grand Jay Dee sur 3 des 4 titres qu'il produit ici, en effet on aurait pu se passer du crackage de 'Chiquita' difficilement supportable, mais il se rattrape très bien avec le jazzy et émouvant 'When You're Older', l'instru minimaliste qui fait mouche de 'Who Smoked Sunshine?' mais surtout par l'instru très slum villagienne de 'Long Way Back', morceau imparable. On notera aussi le planant 'Seven' produit et chanté par Dwele, un pur moment de plaisir. T-Love a également eu la bonne idée de rajouter le morceau 'Wanna Beez' tiré de son EP "Return Of The B-Girl", morceau percutant avec Chali 2na des J5 qui n'a pas pris une seule ride depuis sa sortie.

Niveau lyrics, T-Love n'a rien perdu de son flow et de ses textes engagés. Elle critique ouvertement plusieurs aspects de la société américaine tels que la pauvreté, l'exploitation et les violences de rues qui y sévissent et parle de son combat pour se faire accepter dans le monde mâle qu'est le monde hip hop, elle s'attaque justement à eux sur 'Intellectual Proptease' ("Brothers get scared at the presence of intellect / Making an appearance in the form of my sex") ; s'insurge contre l'adoration grandissante des armes aux states sur 'Fortress of a Prophet' ("What can I do while you play prophet, take breath God gave me?") et s'attaque mêmes aux wack mc's dans un français assez approximatif mais avec une touche d'humour sur 'Swing Malindy' ("Le peura, ce n'est pas de la musique de tapette. Il y a trop de rappeurs qui chantent comme des raclettes").

Au final on obtient un album solide qui s'écoute facilement, sans aucune réelle lacune (si l'on oublie 'Chiquita'), rempli de sonorités jazzy et soul qui correspond parfaitement au style de T-Love, un album très personnel comme le montre la pochette incluant de nombreuses photos de membres de la famille de Taura Taylor. "Long Way Back" est donc un LP fortement recommandable, une des surprises de ce début d'année 2003.

Phara
Mars 2003