Dans le sillon de Galapagos4, Chicago continue de nous offrir régulièrement de belles surprises. Témoin, ce groupe sorti de nulle part et signant dès son premier opus un des meilleurs albums de rap produit par la Windy City ces dernières années, pas moins.
Réunion de trois mc's/producteurs aux origines diverses, Laos pour Chantalism, Mexique pour Ubiquity et Cambodge pour Kash, le Maintenance Crew s'inscrit dans la lignée de ces groupes locaux pratiquant un hip-hop boom-bap très au-dessus de la moyenne et combinant producteurs inspirés et mc's de talent ; si tant est que l'on soit sensible au genre, ringardisé par la médiocrité de ses récents avatars. On en avait presque oublié le plaisir que pouvait procurer la bonne vieille équation "samples de jazz/soul + beats solides" tant on semblait avoir fait le tour de ce que le genre pouvait offrir.
La formule de nos trois compères est donc parfaitement ressentie, digérée, déjà vue… Sauf que pour le coup, elle fonctionne à merveille. Ici, quelques notes de pianos font du pied à une trompette solitaire (sur le magnifique 'Winter Of Discontent'), là une contrebasse fait tandem avec un saxo (sur 'Shadows Revisited2wice')… On ré-entend à l'occasion un sample déjà grillé ailleurs voire une petite référence à un autre classique (Mos Def et Vinia Mojica samplés sur une interlude), mais le rythme est toujours là, et les soixante-cinq minutes s'avalent sans crier gare. On ressent le même amour de la boucle parfaite qu'un mcenroe ou qu'un Mike Gao, un vrai savoir-faire assez étonnant si on en prend en compte que les trois amis portent chacun la double casquette et ne sont pas en reste question emceeing.
Le lien avec la famille Galapagos4 apparaît d'autant plus clairement que Chantalism a le même timbre de voix qu'Offwhyte, une voix un peu adolescente mais très appréciable. Le binôme formé avec Ubiquity fonctionne très bien sans être démonstratif, les deux amis évoluant un peu dans le même registre vocal, sage et agréable. Niveau contenu, Maintenance Crew s'en tiennent à une chronique tantôt acerbe, tantôt optimiste de leur quotidien. A l'occasion, ils paient leur petit morceau sur l'underground ou reviennent (souvent) d'une part sur l'influence de leur environnement urbain et d'autre part sur leur statut de jeunes immigrés en comparant leurs expériences et en rendant hommage à leurs racines. Au delà de l'aspect purement informel, ils s'essaient à quelques bons jeux de mots et à des exercices de langue plus abstraits, toujours d'un ton posé, épousant parfaitement les ambiances tranquilles de leurs instrumentaux.
Le rythme de l'album est sûrement ce qui fait la différence avec la majorité des autres albums boom-bap, on alterne ici assez intelligemment entre des morceaux mélancoliques, posés, et d'autres plus agressifs. En outre, l'album ne souffre quasiment d'aucune longueur, sans compter les petites interludes bien amenées qui font respirer le tout et amènent une cohérence évidente à l'ensemble. L'autre différence se fait aussi sur une poignée de morceaux absolument parfaits, en particulier les mélancoliques 'Winter Of Discontent' ou le magistral 'Eternal Sunshine' qui méritent à eux seuls l'investissement (des titres à compter parmi les plus beaux morceaux à sample de pianos depuis belle lurette). Pas grand chose à jeter donc, le Maintenance Crew m'ayant autant réconcilié avec le boom bap jazzy qu'il a excité ma curiosité sur son avenir, qui n'en doutons pas s'annonce très prometteur.
Pseudzero Avril 2006